Généalogie de la famille DUCOS - PONTET

La famille du côté d' Amiet DUCOS

Pierre "Amiet" DUCOS

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(raconté par Pierre Ducos)

 

L'enfance

 

Amiet DUCOSMon père Pierre dit "Amiet" DUCOS 4 naît avec le siècle le 2 septembre 1900 à Listrac. Son surnom Amiet signifie "petit ami".

Vers 1911, ses parents Charles DUCOS 8 et Louise ROSSIGNOL 9 décident de partir pour l’Amérique du Sud, pour des raisons professionnelles. Ils laissent alors leur fils Amiet 4, qui a 11 ans, à la garde de sa grand’mère Louisa LALLEMAGNE 19, à Moulis. L'enfant ne vit alors pas dans un environnement très sain, et attrape la typhoïde ; il s'agit d'une infection causée par des bactéries pendant l'ingestion d'aliments ou d'eau contaminés par des selles !

Louisa le laissant littéralement mourir de faim, Amiet est ensuite recueilli par sa tante Laure, la soeur de son père, à Libardac, où il passe des moments plus heureux. En effet, il se trouve alors en compagnie de son cousin Paul dit "Georges" ORNON, qui a à peu près son âge (né le 16 septembre 1899 à Libardac), et avec qui il s'entend très bien.

Il va bien sûr à l'école à Listrac, où son instituteur est M. MANELLE, et passe l'examen du Certificat d'Etudes Primaires à Castelnau, alors qu'il n'a pas 13 ans. La Commission cantonale, qui siège alors pour la session, le juge digne d'obtenir le précieux diplôme le 18 juillet 1913.

 

Ses signatures : Signature Amiet Ducos   Signature Amiet Ducos

 

L'armée

Amiet DUCOSAprès sa journée militaire effectuée en 1918, Amiet commence son service le 8 octobre 1920 avec le numéro matricule 1956 au recrutement. Il est incorporé au 11ème Régiment d'Infanterie, basé à Montauban, sous le matricule 1014. Selon son carnet militaire, il mesure 1,63 m, mais d'après sa carte d'identité de 1944, sa taille est plutôt de 1,64 m.

Le 1er février 1922, il passe au 150ème Régiment d'Infanterie, basé à Verdun, dans lequel il va servir 7 mois en Allemagne. Il fait une campagne simple du 14 février au 21 juin (4 mois), puis une demi-campagne du 22 juin au 23 septembre (3 mois). La demi-campagne est une bonification du temps passé dans l'armée qui compte pour la retraite : pour 7 mois effectifs de terrain, on lui comptera un total de 8,5 mois (7 + 3/2) dans le calcul de sa pension.

La mention "A.F.R." sur son livret militaire et sur sa fiche matricule indique qu'il fait partie de l'Armée Française du Rhin. Après l'armistice de 1918, les armées française, britannique, américaine et belge occupent une partie du territoire allemand, sur la rive gauche du Rhin et une partie de la rive droite. Cette région allemande de la Rhénanie, frontalière avec la France, est démilitarisée et occupée par les forces alliées pour réduire la menace d'une nouvelle guerre. C'est dans ce contexte qu' Amiet et le 150e R.I. sont envoyés dans la ville allemande de Worms, dans le Land de Rhénanie-Palatinat sur la rive gauche du Rhin. Il fait alors partie des 210 000 hommes de l'A.F.R. qui occupent la Rhénanie.

Mais en cette année 1922, l'Allemagne ne remplit plus les obligations prévues par le Traité de Versailles, et arrête le paiement de ses dettes de guerre, les réparations. Les houillères du Nord et du Pas-de-Calais ayant été détruites par les Allemands pendant la Grande Guerre, la France est privée de ses ressources nationales, et ne peut accepter le non-paiement des dédommagements. En représailles, elle commence à occuper la Ruhr, poumon économique et industriel vital de l'Allemagne, au début janvier 1923, mettant ainsi la main sur les centres de production de charbon, de fer et d'acier. Cette occupation dure jusqu'en 1925, et celle de la Rhénanie jusqu'en 1930.

Cela ne concerne pourtant plus Amiet. Au jour du 23 septembre 1922, le soldat de 2nde classe est libéré et rentre chez lui à Libardac ; il reste cependant dans la réserve de l'armée active affecté au 144ème RI. Un certificat de bonne conduite lui a été accordé.

 

Amiet       Caserne
A gauche : Amiet DUCOS au 11ème RI en 1921 - A droite : Amiet DUCOS au 150ème RI en 1922

 

Le 13 juillet 1927, Amiet passe devant la Commission de Réforme de Bordeaux, qui constate chez lui des troubles cardiaques intermittents. Il est donc classé SX (inférieur à 10%), ce qui signifie "Service auxiliaire". Il passe alors dans la 18ème Section d'infirmiers militaires de Bordeaux le 1er mai 1929. Mais cette affectation n'est qu'administrative : Amiet est revenu à la vie civile depuis 7 ans, et ne mettra jamais les pieds dans cette section.

Sans affectation depuis 1935, il est pourtant rappelé à l'activité lors de la mobilisation générale, et arrive le 16 octobre 1939 au Dépôt d’Infanterie 182, à l'époque rattaché à St-Médard-en-Jalles, et aujourd'hui faisant partie du Taillan-Médoc. A ce moment-là, le camp est affecté aux personnels venus pour travailler à la poudrerie de St-Médard, toute proche. En effet, l'entrée en guerre de la France impose une production soutenue et intensive de poudre et de munitions.

Germignan
Le camp de Germignan - Aquarelle faite par un prisonnier en 1946, contre de la nourriture ! Source : Mémoire de guerre

Mais le passage devant la Commission spéciale de Réforme de Saintes, le 2 novembre 1939 aboutit à une réforme définitive n°2 (liée à une maladie non imputable à un service commandé dans l'armée). La cause est confirmée : tachycardie dyspnée d'efforts (emballement du coeur et essoufflement pendant l'effort) et troubles nerveux consécutifs à la typhoïde qu'il avait contractée lorsqu'il était enfant. Amiet est alors renvoyé dans ses foyers le 3 novembre 1939.

Mais sa période dans l'armée ne s'arrête pas là. Le 18 mars 1940, il se présente à nouveau devant la Commission de Réforme de Bordeaux, qui constate une nouvelle fois sa tachycardie et son insuffisance cardiaque. Rappelé à l’activité par ordre d'appel le 17 avril 1940, Amiet est une seconde fois affecté au Dépôt 182 de Germignan en tant que service auxiliaire. Il ne sait pas encore qu'un peu plus tard, avec l'arrivée des Allemands, ce dépôt sera utilisé comme camp de prisonniers pour les soldats français de la coloniale, les tirailleurs sénégalais et marocains. Il ignore également qu'après la guerre, la situation sera inversée : ce seront les Allemands qui seront emprisonnés dans ce camp, des parmi les gardiens, des Sénégalais !

Puis il est versé dans l'aviation le 22 mai 1940, et rejoint l'armée de l’air à la base aérienne 120 de Cazaux, sur le territoire de la commune de La Teste-de-Buch. Cette base militaire, créée en 1914, a pour but de former les pilotes d'avions au tir aérien. Elle est d'ailleurs appelée "Ecole de tir aérien de Cazaux". Mais un mois plus tard, le 22 juin, l'armistice est signé entre le IIIème Reich allemand et les représentants du gouvernement français de Pétain, à Rethondes en forêt de Compiègne. C'est la débâcle ! Dans la base de Cazaux, tous les avions décollent en une nuit et partent, sans doute vers l'Algérie, pour ne pas tomber aux mains des pilotes allemands. Les gradés ordonnent à Amiet et à ses camarades de prendre les meilleurs vêtements au magasin et de rentrer chez eux. Les Allemands sont déjà là devant les grilles, et attendent que la caserne soit vide pour l'occuper.

Cazaux
L'aérodrome terrestre de l'Ecole de tir aérien de Cazaux (Base 120)

 

Placé alors dans la réserve de l'armée territoriale, Amiet est cependant dispensé de périodes d'exercices à cause de sa réforme. Il est définitivement renvoyé dans ses foyers le 30 juin 1948, à l'âge de 48 ans.

 

 

Le château Coufran

En 1918, mon père Amiet retrouve ses parents qui reviennent du continent américain. Son père Charles achète la maison de Libardac avec des terres et des vignes, et toute la famille s'y installe pour démarrer l'exploitation de la propriété.

 

En 1929, Charles décroche un poste de régisseur au château Coufran, situé à Saint-Seurin-de-Cadourne, à 12 kilomètres de Lesparre sur les bords de l'estuaire de la Gironde. Amiet et ses parents vont alors habiter dans ce château, et le jeune homme y travaille donc sous les ordres de son père en tant que vigneron. Ces années à cultiver la vigne lui apprennent le métier, et le bagage de connaissances et de pratique qu'il accumule lui sera bien utile par la suite.

Or, c'est justement dans ce village de Saint-Seurin-de-Cadourne, que vit Marie « Virginie » PONS et son mari Louis VIDEAU dit "La Fleur", que l'on retrouve à la page Jeanne "Dorothée" CAREL. Un beau jour de septembre 1933, la nièce de Virginie, une jeune fille de 20 ans du nom de Marcelle GUIBERT  5 , vient voir sa tante à Saint-Seurin-de-Cadourne. Ce soir-là, un bal est donné à l'occasion de la fête des vendanges, et Marcelle décide d'y aller danser. Elle rencontre alors Amiet, et voici que les deux jeunes gens parlent, rient et dansent ensemble.

Pour le Médocain qu'est Amiet, la jeune fille est une "gabache", c'est-à-dire quelqu'un qui "parle mal", qui emploie un langage étranger ! Pourquoi donc, me demanderez-vous ? Marcelle vient de l'autre côté de la "Rivière" (l'estuaire de la Gironde), du côté de Blaye et ses environs. Dans le Médoc aux racines gasconnes, on parle la langue d'Oc ; de Blaye jusqu'au nord de Libourne, aux liens étroits avec la Saintonge (Charente-Maritime) et le Poitou (Vendée, Deux-Sèvres, Vienne), on utilise la langue d'Oil. Ceci vient du fait qu'après la Guerre de Cent ans et les épidémies de peste noire, on manquait de bras pour cultiver les terres et nourrir la population survivante. Il fallait donc faire venir des immigrés pour repeupler le Sud-Ouest : des cultivateurs venus justement de la Saintonge et du Poitou, qui n'avaient pas subi les affres de la guerre, saisirent l'opportunité de cultiver des terres baillées par les abbayes du nord de ce qui allait devenir plus tard la Gironde. D'autres localités, autour de Créon et autour de Monségur par exemple, furent aussi des terrains d'implantation de ces "étrangers" ! Bien sûr, ils apportèrent avec eux leur culture et leur parler en langue d'Oil. Le patois qui en découle, jusqu'au milieu du XXème siècle, est très différent de l'Occitant parlé majoritairement dans la région.

La rencontre de ces deux cultures, ces deux patois, est certainement le point de départ de leur conversation, qui va évoluer au fur et à mesure que la fête avance. En tout cas, la soirée se déroule suffisamment bien pour que je sois conçu en pleines vendanges 1933.

 

Amiet sur sa moto
Amiet DUCOS sur sa moto, dans les années 1930

 

Retour à Listrac

Amiet DUCOS

Amiet passe son permis de conduire les motocycles à deux-roues en 1930. Mais le grand-père Charles mort en novembre 1933, mon père part reprendre la propriété de Listrac et la maison de Libardac au métayer Martial PONTET dit le Gay (le Geai), qui l'entretenait pendant qu'ils étaient à Saint-Seurin-de-Cadourne. Désormais, c'est Amiet lui-même qui s'occupera de travailler la vigne du domaine familial.

 


Un jour, Amiet voit arriver Marcelle chez lui, avec une valise et un « polichinelle dans le tiroir ». La soirée de fête à Saint-Seurin-de-Cadourne a une conséquence inattendue et qui va compliquer la situation entre les amants d'un soir. Dans un premier temps, le jeune homme ne veut rien entendre, et repousse la jeune femme. Puis, malgré ces fortes réticences, il se ravise et accepte de prendre, selon ses propres mots, "la femme et le polichinelle" ! Mais il faut maintenant officialiser l'union : Amiet , 33 ans, et Marcelle , 21 ans, se marient à la sauvette le 19 mars 1934 à Listrac. Il était temps, car je faisais mon apparition le 22 juin !

Listrac-Médoc
Amiet DUCOS et Marcelle GUIBERT vers 1948

L'électricité n'arrive dans la maison qu'en 1936. Avant, l'éclairage dans la pièce principale était assuré par une lampe à pétrole. Désormais, il suffit de tourner un bouton pour avoir la lumière ! On ne se rend plus compte à quel point ce geste évident aujourd'hui fut une véritable révolution à l'époque !

 

Sous l'occupation allemande

Amiet DUCOSAvoir un cheval est une chose très importante dans la vie d'un vigneron dans ce Médoc d'avant 1939. L'animal aide l'homme dans la culture de la vigne et son entretien. Amiet possède une jument, qui trouve sa place dans l'écurie située juste à côté de la maison, de l'autre côté du chemin qui sépare les deux bâtiments. Mais en 1939, les Etats-majors français décrètent une réquisition des chevaux pour servir l'armée. C'est avec le coeur lourd qu'Amiet doit se séparer de sa fidèle collaboratrice, sous le regard désolé de son fils de 5 ans. Mais les modalités de réquisitions imposent que ce soit le propriétaire qui amène son animal dans les casernes. Amiet est donc obligé de se rendre à Bordeaux à pied pour amener le cheval, sur une distance de près de 36 kilomètres ! Il doit être hébergé plusieurs nuits dans des hôtels le long de son trajet aller et retour, et ce bien évidemment sans aucune compensation financière...

Au cours de la guerre, Amiet réussit à avoir une autre jument. Mais en 1942, ce sont cette fois les Allemands qui viennent la lui confisquer. On ne le voit dans presque aucun film sur la Seconde guerre mondiale, mais la cavalerie était une composante très importante dans l'armée du IIIe Reich : elle servait à approvisionner en munitions et en nourriture l'artillerie qui était en première ligne. Amiet doit se serrer la ceinture encore une fois pour en acheter une troisième : celle-ci prend le nom de Capucine. Mais cette mésaventure lui arrive une troisième fois en 1943, et le noble animal doit lui aussi s'en aller. Au moins, ces deux dernières réquisitions lui épargnent-elles la fatigue d'un long et pénible voyage... Toutefois, il s'était dit que quand un soldat allemand était monté sur le cheval, celui-ci l'avait sauvagement désarçonné ! Il est vrai que les chevaux étaient dressés pour l'attelage et le labour, mais en aucune façon pour être montés... En tout cas, ce rodéo forcé fit longtemps rire dans les maisons des paysans listracais !

Un contrat de la Mutuelle Générale Française Accident de 1940 nous informe qu' Amiet déclare que son exploitation couvre une surface de 25 hectares. L'assurance couvre les dégâts causés par ses animaux (il a le cheval dont nous avons parlé, et un chien), mais pas les dégâts causés aux récoltes.

Comme beaucoup de Médocains, Amiet aime aussi chasser. Mais en ces temps de guerre, le fusil peut aussi servir à se défendre, sait-on jamais... Bien sûr, les autorités allemandes interdisent à quiconque la possession d'un fusil, et tout détenteur d'une arme doit sans délai la remettre à l'occupant. Amiet décide de transgresser cette règle : il enveloppe son fusil dans d'épaisses couvertures, et le cache dans l'ormeau, grand arbre creux qui se trouve dans le pré devant la maison. Cet acte de résistance ne sera nullement récompensé à la Libération du Médoc en 1944, car l'arme n'a pas eu à servir de toute la guerre. Pire, au moment de sortir le fusil de sa cachette, Amiet le découvre piqué, abîmé, et rendu inutilisable par les intempéries ! Qu'importe, au moins il ne s'est pas soumis aux volontés allemandes. Et le portrait du général de GAULLE trône toujours en bonne place sur le buffet de la salle à manger.

Mais le goût de la chasse revient au galop : Amiet rachète un nouveau fusil et passe son permis de chasse le 30 août 1945. Cette année-là, le prix du tonneau de vin atteind les 100 000 Francs, et Amiet réussit à en vendre 2 à ce tarif ! Il passe alors son permis de conduire les automobiles le 10 décembre 1946, et avec l'argent il achète une Celta 4 de chez Citroën.

Jusque là, pour boire de l'eau, il fallait aller la chercher dans le puits qui se situe derrière la maison. Mais en 1945, Amiet décide d'installer une pompe pour puiser l'eau dans la nappe phréatique et l'amener en haut du puits. C'est un véritable progrès technique ! L'eau courante à l'intérieur de la maison n'arrivera que bien plus tard...

 

Celta 4
La Celta 4 modèle 1934
 

 

Le travail de la vigne

Toute sa vie durant, Amiet travaille lui-même sa vigne sous son propre nom. Son goût de l'indépendance lui interdit de porter son raisin à la Coopérative de Listrac, et c'est en solo qu'il exploite sa propriété sous le nom de " Château Saint-Martin ". En décembre 1957, le récépissé de la déclaration d'exploitation de parcelle de vignes totalise une surface cumulée de 2 hectares 61 ares et 14 centiares, ce qui revient à 26 114 m². Le tableau ci-dessous liste les parcelles de vigne qu'il exploite pendant de nombreuses années, et la carte situe ces parcelles dans la commune de Listrac-Médoc :

 

Les vignes d'Amiet
  Repère Lieu des parcelles de vignes ha a ca
1 A372 La Ruade-Nord (Le Vergne) 0 10 11
2 B73 Champ du Tris (Vergeolle) 0 10 01
3 B75 Champ du Tris (Vergeolle) 0 1 76
4 B138 Le Petit Bourdieu 0 7 58
5 B140 Le Petit Bourdieu 0 11 26
6 B402 Canteranne (La Rivet) 0 25 83
7 B509 La Peyring ou Baléon (Donissan) 0 29 65
8 B1280 Le Queyrac (Donissan) 0 10 71
9 D32 La Barreyre 0 3 98
10 D878 La Calenote (Lestage) 0 52 64
11 F46 Champs de Gayon 0 32 76
12 F47 Champs de Gayon 0 5 64
13 F91 Champs de Gayon 0 30 97
14 F94 Champs de Gayon 0 20 83
15 F105 Gayon 0 6 92
16 F106 Gayon 0 9 39

 

 

Etiquette Château St-MartinLa colonne "Repère" (en rouge) donne le repère parcellaire du cadastre d'avant 2008 de Listrac-Médoc, que l'on retrouve aussi sur la carte. Ces numéros ne correspondent plus au cadastre actuel, le seul but ici étant la localisation des parcelles que nos ancêtres ont cultivées. Les 3 dernières colonnes (en vert) montrent la superficie de vigne de chaque parcelle en hectares (ha), ares (a) et centiares (ca). Bien sûr, au fil des ans, certaines parcelles sont achetées, vendues ou échangées, en fonction des besoins et des finances. L'essentiel est qu' Amiet puisse continuer de travailler et d'en récolter, outre du raisin, quelque bénéfice !

Le 29 novembre 1960, Amiet achète aux héritiers BRANAS une parcelle de terre au lieu-dit Le Queyrac, sur la route de Donissan, d'une contenance de 14 ares 16 centiares (section B, n°1321), pour le prix de 150 nouveaux francs.

Le 13 janvier 1967, il échange avec Pierre Léopold DUPONT, sa parcelle de 12 règes de vigne à Gayon de 28 ares 84 centiares (section F, n°107), pour acquérir une parcelle de vigne en friche (19 règes) à Matalin de 10 ares 67 centiares (section A, n°991).

Le 21 mars de la même année, il fait un autre échange avec Marie BERNINET, veuve de Guillaume Adrien MIQUAU. Amiet abandonne la parcelle de vigne au Champ du Tris, d'une contenance de 8 ares 25 centiares (section B, n°108), et acquiert une autre parcelle de vigne au Queyrac, d'une contenance de 8 ares 33 centiares (section B, n°1320), voisine de celle qu'il a acheté en 1960.

 

Avec cette belle surface de vigne qu'il possède, Amiet a de quoi travailler toute l'année. Il procède seul à tous les travaux viticoles, et prend de la main d'oeuvre supplémentaire uniquement pour les vendanges. Dans le cuvier qui jouxte la maison, le pressoir (grand réceptacle où coule le jus de raisin) et à l'intérieur la presse (qui presse le raisin) cotoient 2 cuves : une de 104 hectolitres et l'autre de 58 hectolitres. Ces volumes sont ceux du liquide seul, sans compter la rape, la rafle et les pépins. Le raisin qu' Amiet récolte pendant les vendanges, qui ont lieu habituellement vers la fin du mois de septembre, est alors pressé ici. Le jus obtenu va ensuite remplir les deux cuves pour commencer sa fermentation.

Une fois la fermentation achevée, le vin est mis dans des barriques et entreposé dans le chai. Une récolte normale produit environ 40 barriques. La barrique bordelaise contenant 225 litres, la récolte produit donc 9 000 litres. Une boucheuse manuelle permet à Amiet de boucher les bouteilles. Il ne reste plus qu'à coller les étiquettes comme celle ci-contre sur les quelques 12 300 bouteilles de 73 centilitres avant de les vendre ! Un sacré travail, tout de même. Sait-il seulement qu'il cite "Cyrano de Bergerac" quand il clame : "Pas bien haut peut-être, mais tout seul !" ?

Amiet DUCOSEn 1966, il reçoit comme son père avant lui un diplôme du Comice agricole du Médoc. Mais contrairement à Charles, il ne s'agit ni d'une médaille de vermeil, ni d'une médaille d'or : Amiet se contente d'une médaille d'argent, ce qui n'est déjà pas si mal ! Outre une faute d'orthographe à son prénom, écrit "Amié", le diplôme fait apparaître la mention gratifiante : "Bon viticulteur".

Lorsqu'en mars 1976, le Président de la République Valéry GISCARD D'ESTAING instaure l'heure d'été en France, cela ne gène en rien les habitudes d' Amiet et Marcelle. En effet, le déroulement quotidien des travaux de la vigne incite le couple à vivre à l'heure solaire, plutôt que de suivre les irritants changements d'heure légaux de mars et d'octobre. Ainsi se trouvent-ils en décalage d'une heure l'hiver et de 2 heures l'été par rapport à l'ensemble de la société ! A moins que ce ne soit la société qui soit décalée par rapport à eux...

Mais au fur et à mesure que l'âge avance, Amiet a de plus en plus de mal à s'occuper de toutes ses vignes. Il commence alors à en vendre une partie à Michel CHEVALIER, son ami et voisin, aussi viticulteur, et progressivement se déleste de ce dur labeur. Dans les dernières années de travail, jusqu'en 1979, il en conserve tout de même 1/2 hectare. C'est justement cette année-là qu' Amiet prend enfin sa retraite, donc à 79 ans. Mais alors, que faire des vignes qui restent et qui ne demandent qu'à produire ? C'est évidemment Michel CHEVALIER qui rachète ces dernières rangées, et qui produit le vin qui en est issu en conservant le nom du château Saint-Martin. Plus tard, ce sera son fils Cédric qui prendra la relève, dans le même respect de la tradition.

Alors qu'il est presque arrivé à l'autre bout du siècle, Amiet a juste le temps de souffler les bougies de ses 94 ans. Treize jours après cet anniversaire, il décède chez lui, dans son sommeil, la nuit du 15 septembre 1994.


Amiet et Marcelle
Amiet et Marcelle - 1985

 

Vers sa femme        Marcelle GUIBERT