Généalogie de la famille DUCOS - PONTET

La famille du côté d' Yvette GOFFRE

Son père : Pierre "Henri" GOFFRE

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JUFORGUES
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GOFFRE
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JUSTE
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DUCOS
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GUIBERT
Henri
PONTET
Yvette
GOFFRE
Mon père Ma mère
Moi

 

(raconté par Yvette Goffre)

 

Les années de jeunesse

 

 

Pierre GOFFREPierre dit Henri GOFFRE  14  est né le 24 décembre 1892 à Sainte Hélène, où la famille reste peu de temps ; en effet, son père Jeantil  28 devenant régisseur à Mauvesin, il part s’installer à Moulis, où il grandira.

D’après son signalement sur sa fiche matricule de l'armée, Henri a les cheveux châtain, comme ses yeux, un front moyen sur un visage rond. Sa taille est de 1,62 m, et son degré d’instruction est de 2, c’est-à-dire qu’à cette époque de sa vie, il sait lire et écrire, mais pas compter. Cela va très vite changer...

 

Sa signature : Signature Henri Goffre

 

Le service militaire

En 1910, son frère René est incorporé pour faire son service militaire. En octobre 1911, il passe par Toulouse, Marseille, et traverse la Méditerranée sur le bateau "Sidi-Brahim" pour aller à Philippeville, un port d' Algérie aujourd'hui renommé Skikda, puis à Alger. Si le souhait le plus cher de René est d'en terminer rapidement avec sa période militaire, celui d' Henri est de la commencer le plus vite possible. La montée de tension internationale qui précède la Première guerre mondiale passionne certains jeunes esprits comme celui d' Henri, qui ne rêvent que de revanche sur l' Allemagne. Ce fort engouement patriotique inquiète ses parents et son frère, qui craignent de le voir partir volontairement en première ligne.

Mais avant de recruter les jeunes hommes dans l’armée, ceux-ci doivent passer devant le Conseil de révision. Ce conseil se déplace de ville en ville pour rencontrer les futurs appelés dans l’ordre de la liste du recensement. Henri étant né le 24 décembre 1892, il est classé dans la première partie de la liste en 1913. Mais voilà : devant le Conseil de révision, Henri ne s’est pas présenté ! En témoigne son registre matricule où il est inscrit « Bon absent ». Pourquoi n'était-il pas présent à ce rendez-vous si important pour sa future vie militaire, lui dont le plus grand désir est de partir faire la guerre ? N'ayant trouvé aucun document à ce sujet, je ne peux répondre à cette question. Quoi qu'il en soit, sa situation est alors examinée lors de son appel sous les drapeaux.

 

Henri Goffre
Henri GOFFRE en uniforme du 123ème R.I. - en 1918

Henri est alors incorporé à Bordeaux le 12 octobre 1913 pour son service militaire qui doit durer 3 ans, avec le numéro matricule de recrutement 3798. Il est affecté au 123ème Régiment d’ Infanterie de La Rochelle, avec le numéro 5632, où il fait ses classes. Les cartes postales qu'il envoie à ses parents sont rares, car il a très peu de temps (et sans doute de motivation) pour écrire, mais très explicites quant à son absolu patriotisme.

Mais il n'a pas fini son service quand l’heure de la mobilisation générale sonne, et j'imagine que c'est avec une joie certaine qu ' Henri part faire la guerre le 5 août 1914.

 

La guerre d'Henri
La carte de la guerre d'Henri

La Grande Guerre

Le 123ème R.I. fait partie de la 69ème brigade, 35ème Division d’infanterie, 18ème Corps d’Armée, et entre dans la 2ème Armée. Il embarque à la gare de La Rochelle pour arriver à Barisey-la-Côté, à 40 kilomètres de Nancy en Meurthe-et-Moselle, le 7 août 1914. Remontant vers le nord, il franchit la frontière belge le 21 août, et s’établit à Silenrieux, au sud de Charleroi, le 24, pour protéger le repli du 3ème Corps d'Armée.

 

Silenrieux
Silenrieux, au sud de Charleroi

 

Face aux patrouilles des uhlans, ces cavaliers germaniques armés de lance, le 123ème est obligé de battre en retraite. Le régiment d' Henri redescend pendant 10 jours, sans repos ni nourriture, jusqu’au château de La Houssaye, à 5 kilomètres au nord-ouest de Provins, en Seine-et-Marne. Mais à partir du 6 septembre, il prend l’offensive et s’empare de Montceaux-lès-Provins sur un ennemi très supérieur en nombre. Commence alors une grande marche en avant : il franchit la Marne à Château-Thierry le 10 et pousse jusqu’à Romain. A Ventelay, le 123ème s’empare d’un convoi allemand qui permet le ravitaillement de toute la Division ! L’Aisne est franchie à Pontavert le 14 septembre, mais le régiment s’arrête à la ferme du Choléra à Berry-au-Bac. Il est relevé le 18 septembre.

 

Château-Thierry
Entre Château-Thierry et Reims

 

Après quelques jours de repos, le 123ème doit tenir position à la lisière nord du bois de Beau-Marais, au sud de Craonne dans l’Aisne, sous les bombardements d’artillerie lourde. Le 22 novembre, il s’installe dans les tranchées de Moussy-Verneuil-Beaulne, et passe la fin de l’année dans des conditions déplorables : les tranchées ne sont que des fossés boueux, sans abri ni boyau praticable.

 

Craonne
Autour de Craonne

 

Le 12 janvier 1915, le 123ème relève le 249ème R.I. à Vendresse-et-Troyon dans l’Aisne. Les Allemands attaquent à la mine pour prendre du terrain ; la contre-attaque française est victorieuse mais coûteuse en hommes. La guerre des tranchées bat son plein, entre les simples grenades et les torpilles plus puissantes, durant de très longs mois. Le 22 novembre, les premiers projectiles à gaz sont lancés par l’ennemi, et les bombardements sont de plus en plus violents. La relève est pour le 13 avril 1916, date à laquelle les soldats peuvent aller se reposer dans la Marne à Vieil-Dampierre et Sivry-sur-Ante.

 

Le 1er mai 1916, le régiment est transporté sur Verdun. Du 6 au 13 mai, sous les ordres du lieutenant-colonel ERULIN, il oppose une résistance des plus farouches dans le secteur des Carrières. L’historique du 123ème Régiment dit : « C’est dans ce chaos infernal du bois de la Caillette, où la terre est sans cesse retournée par les obus qui ensevelissent les vivants comme les morts, que les hommes du 123e , presque privés de chefs, repoussent toutes les attaques furieuses, allant jusqu’au corps-à-corps, d’un ennemi supérieur en nombre et en moyens, et tiennent jusqu’à l’extrême limite des forces humaines. » Loin de céder du terrain sous la violence des attaques, le régiment en a même gagné.

 

A l’issue de cette bataille, le 22 mai 1916, Henri reçoit une citation (n°45) à l’ordre du Régiment : « A fait ses preuves depuis le début de la campagne, pris sous un éboulement et dégagé par ses camarades, a aidé ensuite sous le bombardement, quoique contusionné, à dégager un camarade voisin ». Le 8 juillet 1916, il devient soldat de 1ère classe. Un certificat de bonne conduite lui est également décerné.

Citation 1 Henri Goffre     uniforme 1914-1918
A gauche : la citation n°45 à l'ordre du Régiment. A droite : l'uniforme du fantassin en 1914 - Source : Service de santé 1914-1918

Le 8 juin 1916, le 123ème tient le secteur du Four-de-Paris, en Argonne, à la frontière de la Marne et de la Meuse, jusqu’au 30 septembre. Le 26 décembre, après une période d’exercices, il part dans la Somme pour aménager le secteur Berny-en-Santerre qui est « une véritable mer de boue ». Puis entre le 11 février et le 23 mars 1917, il fait divers travaux à Cormeilles-Blancfosse, Davenescourt, Erches, Hangest-en-Santerre, Etelfay,…

Le 16 avril 1917, c’est à Revillon-OEilly sur le plateau de Paissy, que le 123ème doit attaquer. Mais cette fois c’est l’échec, et le régiment doit reculer. Il est alors mis en position dans le secteur très agité de Vauclerc, à droite de la ferme d’Hurtebise, près de Vitry-le-François dans la Marne. Le régiment occupe les anciennes tranchées ennemies, et la solide organisation permet de ravitailler et de renforcer les hommes. Du 21 avril au 4 mai, Henri et ses camarades essuient de terribles attaques allemandes sous des bombardements intensifs et des combats à la grenade, mais les contre-attaques permettent de reprendre le terrain occupé. L’artillerie française est si dominante « sur les premières lignes qu’une partie des occupants se rend avant le déclenchement de l’attaque ». Le 5 mai, la liaison est établie à gauche et à droite avec les éléments voisins. L’opération fait 800 prisonniers, la prise de 14 mitrailleuses, 6 canons de tranchée, 8 minenwerfer (lance-mines) et un grand stock de munitions. Le régiment reçoit alors sa première citation à l’ordre de l’Armée.

 

Reims
A l'est de Reims

 

Le 13 juillet 1917, le 123ème est à Saint-Ulrich et Friesen en Alsace, pour un séjour de calme et de travail dans les grandes forêts communales, jusqu’au 9 septembre. Le 8 octobre, il se trouve dans le secteur Etoile près de Souain-Perthes-lès-Hurlus, non loin de Reims en Champagne. Les combats sont toujours aussi violents, mais n’empêchent pas le régiment de réaliser d’importants travaux de défense.

 

Compiègne
La route Compiègne - Noyon

 

Le 24 mars 1918, après un voyage dans une chaleur torride et énormément de poussière, le régiment doit barrer la route à l’ennemi qui avance à grand pas sur la route de Noyon-Compiègne, entre Chiry (aujourd'hui Chiry-Ourscamp) et Ribécourt, au milieu de la retraite des autres troupes et de l’exode des civils. Il réussit à faire barrage sur la ligne Pont-l’Evêque – Mont-Renaud – Ancien-Moulin, et repousse l’ennemi dans ses lignes. Jusqu’au 31 mars, les bombardements allemands sont ininterrompus, et les attaques violentes (troupes spéciales d'assaut, obus et minen à gaz) se succèdent sans briser la résistance française. Le 20 avril, le régiment doit « tenir coûte que coûte le Mont-Renaud », et c’est ce qu’il réalise, de jour comme de nuit, au prix de sacrifices incroyables (10 officiers et 369 soldats y ont trouvé la mort). Mais la position est maintenue, ce qui lui vaut une citation à l’ordre de l’armée vantant « son entrain superbe et sa magnifique tenue au feu » ! Le régiment peut alors prendre quelques jours de repos bien mérités près de Compiègne.

 

Le 26 mai 1918, Henri reçoit la Croix de Guerre 2 étoiles bronze IA n°31. C'est là, au Mont-Renaud, qu' Henri fait la connaissance de Marceau CARON, avec qui il échangera quelques lettres après la guerre. Marceau redit à Henri à quel point il l'estime, et qu'ils ne se sont pas revus depuis le poste de secours de Passel, près de Noyon dans l'Oise. Puis Marceau a été fait prisonnier à Vaux près de Soissons le 3 juin 1918 après avoir perdu tous les camarades qui lui restaient à la section. Il s'est évadé, et a travailler en Belgique chez un paysan quand l'Armistice est venue, puis il est rentré à Paris. Je ne sais pas s'il se sont revus et s'ils ont chassé ensemble, puisque la chasse est leur passion commune.

 

Soissons
Soissons

 

Mais la guerre n'est pas encore terminée... Le 31 mai, le 123ème arrive à Coeuvres, à 20 kilomètres à l’ouest de Soissons dans l’Aisne, c’est-à-dire trop loin des positions allemandes qu’ils doivent combattre. En arrivant à Saconin, les hommes sont très fatigués, mais repoussent les attaques ennemies jusqu’aux carrières de Laversine, sans vivres et parfois sans cartouches ! Ils sont relevés le 6 juin. Du 19 juin au 12 août, il aménage en profondeur le secteur de Vauquois, à 30 kilomètres de Verdun, puis dans le secteur du Four-de-Paris, sous les bombardements.

 

Chaulnes
De Chaulnes à St-Quentin

 

Le 26 août, le 123ème est à la voie ferrée de Chaulnes. « Le régiment va commencer sa marche victorieuse et refouler l’ennemi qu’il a si souvent contenu ». Il avance à Hallu, Curchy, Morchain, Béthencourt (aujourd'hui Béthencourt-sur-Somme). Le 3 septembre, il est relevé et va à Mesnil-St-Nicaise – Rouy-le-Grand, il passe la Somme à Offoy, avance à Douilly, Fluquières, Roupy, Savy, et Fontaine-les-Clercs, pour arriver à St-Quentin. Jusqu’au 15 septembre, et malgré un ravitaillement difficile, le régiment chasse l’ennemi sur 30 kilomètres de profondeur, fait 172 prisonniers et prend un nombreux matériel, ce qui lui vaut une citation à l’ordre du corps d’armée.

 

Noyon
Entre Noyon et Chauny

 

Puis le 13 octobre, le 123ème est porté dans l’Aisne à Bichancourt, Manicamp, Marizelle et Quierzy, à 20 kilomètres à l’est de Noyon. Il remonte vers Danizy, Charme, Anguilcourt, et se trouve devant le barrage de la Serre tenu par les Allemands. De nuit, un petit groupe d’hommes avance dans les marais, avec de l'eau jusqu'à la ceinture, et répare la passerelle sous les tirs de mitrailleuses ennemies, au nord de Les Travers, ce qui permet à tout le régiment de franchir la rivière le 18 octobre, et de reprendre sa marche en avant jusqu’à Ferrière.

 

La Ferté
Entre Chauny et La Ferté

 

Là, plusieurs tentatives de progressions sont stoppées par une artillerie allemande très active. Il faut attendre le 24 octobre pour que le régiment puisse passer, en coupant à la cisaille de forts réseaux barbelés, « dans une lutte héroïque allant jusqu’au corps à corps. Au cours de cette attaque, tous les combattants de compagnie des deux bataillons ont été tués ou blessés ». Mais le régiment a pris 365 prisonniers, 1 canon et beaucoup de mitrailleuses. Il avance jusqu’à La Ferté (aujourd’hui La Ferté-Chevresis), où il est arrêté par des feux de mitrailleuses, mais prend la position le 27. Il progresse encore : Chevresis-Monceau, Monceau-le-Neuf, et Monceau-le-Neuf-Sons.

Le 3 novembre, il est relevé et prend quelques jours au calme à Dreslincourt, au nord de Compiègne. C’est là qu’il apprend la signature de l’armistice le 11 novembre 1918. Henri a enfin gagné "sa" guerre ! Cela ne veut pas dire qu'il va rentrer de suite à la maison : il restera encore sous les drapeaux pendant 9 mois, jusqu’au 28 août 1919, date à laquelle il est mis en congé de démobilisation par le 144ème régiment d’infanterie, 8ème échelon, n°2920.

Il reçoit une seconde citation à l'ordre de l'ID35, dont l’appréciation écrite est particulièrement élogieuse : « Excellent soldat d’un dévouement de tous les instants, toujours volontaire pour les missions périlleuses. Très apprécié de ses chefs à cause de son admirable moral. Sous un tir de barrage d’une extrême violence, n’a cessé de faire le ravitaillement des pièces stockes en ligne (déjà cité)». Après avoir accompli son devoir, Henri se retire enfin à Moulis : il n'aura pu rentrer chez lui qu’après la guerre en 1919, après une absence de 7 ans !

Son héroïque régiment aura obtenu 4 citations à l'ordre de l'Armée (Vauclerc, Mont Renaud, passage de la Serre et St- Quentin), et une à l'ordre du 18ème Corps d'Armée (Montceau-Les-Provins).

 

Henri Goffre citation 2

Fiche matricule Henri GOFFRE
En haut : seconde citation d'Henri - En bas : Détail de sa fiche matricule - Source : A.D. de la Gironde

 

Dans un carton de Bouqueyran, où on a retrouvé des cartes postales d' Henri et de son frère, envoyées pendant leurs services militaires et la guerre, 2 cartes postales sont expédiées depuis Mulhouse, en mars 1919, adressées à Henri. Elles viennent d'une jeune femme, Véroni GREMILLET, et sont écrites pour partie en allemand. Le contenu, même avec la barrière de la langue, est on ne peut plus explicite : la demoiselle exprime son amour brûlant pour Henri et espère son retour...

Mulhouse, comme toute l' Alsace et la Lorraine, était devenue allemande depuis la défaite de la Guerre de 1870, et la jeune femme avait grandi en apprenant l'Allemand comme langue maternelle. Pendant la Guerre de 1914-1918, elle avait rencontré Henri, incorrigible séducteur et fringant soldat venu reprendre ces deux régions... Ce qui se passe à Mulhouse reste à Mulhouse, et malheureusement pour Véroni, elle ne verra plus son amour de jeunesse... Mais le fait qu' Henri ait conservé les cartes postales de la demoiselle tend à montrer qu'il lui vouait lui aussi un certain attachement.

Le 1er juin 1921, Henri passe en réserve de l’armée active, et est affecté au 9ème Régiment d’Infanterie, et ce jusqu'au 1er mai 1930.

 

Retour à la vie civile

 

 

Enfin revenu à la vie civile en 1919, Jeantil GOFFRE  28 , son régisseur de père, fait entrer Henri à Mauvesin, où il travaille comme tonnelier. Malheureusement, je n'ai aucun détail sur sa rencontre avec cette jeune avensannaise de 18 ans qui se nomme Henriette JUSTE  15 ... Tout ce que je sais, c'est que ce bourreau des coeurs l'épouse le 5 août 1920 à Moulis. Je dis bien "bourreau des coeurs", car en même temps, il a une liaison avec une autre femme. C'est dans le plus grand secret que naît le fruit de cette liaison, Henriette SARRAT dite Yéyé, le 8 septembre 1920 à Castelnau, soit un mois après son mariage !

Henri 14 et Henriette 15 (sa femme légitime, pas sa fille naturelle) s'installent à Moulis, plus précisément à Mauvesin, pour y avoir leurs 2 premières filles, Lydie (née en 1921) et Yvette 7(née en 1922). Ils déménageront ensuite à Barreau, commune d' Avensan d'où Henriette est originaire, cette fois en tant que propriétaires, en 1923. C'est là qu'ils auront leurs 2 derniers enfants Robert (né en 1924) et Lucette (née en 1926).

 

Les enfants Goffre
Yvette GOFFRE, Robert, une amie et Lydie à Barreau - en 1937

 

La vie à Barreau (Avensan)

Pour faire vivre toute sa famille, Henri fait plusieurs petits travaux : outre la tonnellerie, il fait la tournée des villages aux alentours pour vendre des légumes, des produits d'épicerie,... Il devient aussi entrepreneur de battage : il met du matériel agricole au service des propriétaires et exploitants. Une lettre d'un client en 1928 lui demande la fourniture de 350 carrassons en acacia pour vigne, 100 pots pour vigne bâtarde en pin ou en châtainier, et une centaine de piquets de 1,70 mètres de hauteur pour clôturer une prairie.

Mais Henri, à un moment que je ne peux pas dater, contracte une maladie : il est en effet atteint de thyphoïde. La thyphoïde est une infection causée par une bactérie, qui cause chez le malade une fièvre importante, de la constipation, des maux d'estomac, de gorge et de tête. Inutile de préciser que cette bactérie empêche Henri de continuer à travailler, et que la durée prolongée de cette maladie a pour conséquence une pénurie d'argent. De fait, il demande à son père, Jeantil GOFFRE 28 , de l'aider financièrement, jusqu'à ce que la santé revienne. Il se heurte en cela à un refus catégorique : Jeantil tient trop à ses sous. Il va falloir, pour Henri et toute sa famille, se serrer la ceinture quelques temps...

C'est également à cette époque que l'électricité arrive dans le Médoc, et Henri fait installer un compteur électrique dans sa maison de Barreau le 27 juin 1935. Il s'en sort pour 29,50 francs.

Le 24 mars 1937, Henri fait une demande d'emploi pour entrer à la Poudrerie Nationale de St-Médard-en-Jalles comme ouvrier de fabrication. Il finira par obtenir ce poste l'année suivante.

 

Poudrerie de St-Médard
La Poudrerie de Saint-Médard-en-Jalles

 

Georges MANDELPendant ce temps, à Bouqueyran, commune de Moulis, ses parents Jeantil GOFFRE  28 et Estelle MONNEREAU  29 vivent leurs derniers instants de bonheur en couple. En effet, Jeantil disparaît le 25 octobre 1938. Estelle se retrouve seule dans cette grande maison. Elle y entreprend quelques travaux de peinture, de manière à accueillir son fils Henri et toute sa petite famille.

Pour se rendre à la Poudrerie de Saint-Médard-en-Jalles depuis Bouqueyran où il va bientôt habiter, Henri devrait parcourir tous les jours deux fois 25 kilomètres. Il s’aperçoit que s’il travaillait à la poudrerie de Sainte-Hélène, qui est une annexe de celle de Saint-Médard, il ne ferait plus que 9 kilomètres. Il fait alors une demande, en janvier 1939, au directeur de l’entreprise pour changer de lieu d’affectation, pour remplacer un garde qui part bientôt à la retraite.

Pour forcer le destin, il essaie de faire appuyer sa demande par Georges MANDEL (voir photo ci-contre), alors ministre des Colonies (d’avril 1938 à mai 1940) et ancien député du Médoc. Il passe pour ce faire par le biais d'un ami qu’Henri et le ministre ont en commun. Georges MANDEL promet d'intervenir personnellement pour lui donner satisfaction.

 

L'installation à Bouqueyran (Moulis)

Entre mars et mai 1939, Henri, sa femme et ses 4 enfants déménagent chez sa mère au Château Lacour à Bouqueyran. Le 16 juin, il achète pour Lydie un piano Gervex en noyer ciré au magasin bordelais A. BERMOND, pour la somme de 3 400 francs payables en 10 mensualités. Ce piano prendra sa place dans la grande salle à manger de la maison.

 

Chateau Lacour
Le château Lacour à Bouqueyran, étiquette de vin de 1908

Henri GOFFRELe 28 juillet 1939, Henri achète à Marie CREON, veuve de Jean GAUDET, un jardin et une cressonnière situés au Cazau du Bos, dans le village de Barbat à Listrac. Cette pièce, longée par une jalle, a une superficie de 367 m², et elle est vendue au prix de 2 000 francs. Désormais, Henri et sa famille auront du cresson à volonté !

Mais déjà les rumeurs d'une prochaine guerre se précisent de plus en plus. Henri reçoit son ordre de réquisition individuelle, dans lequel il est écrit qu'en cas de mobilisation générale, il devra assurer le service de clairon et de brancardier. Mais il a 47 ans en 1939, et père de famille nombreuse : de ce fait, il ne sera pas mobilisé. Classé affecté spécial "tableau 3", il parvient finalement à obtenir ce poste au dépôt de poudre de Sainte-Hélène, placé par le général commandant la 18ème région 7185 MN/I à partir du 18 septembre 1939.

Cependant, Henri démissionne de ce poste à l’arrivée des Allemands en 1939, pour ne pas être aux ordres des officiers nazis. Mais cette démission l’oblige à trouver d'autres moyens de subsistance pour ne pas mourir de faim. Il braconne un peu, travaille sa vigne, achète 2 bœufs pour cultiver des champs de pommes de terre, de maïs, et fait de l’élevage de dindons, d’oies,... Après la guerre, il vendra ses bœufs à un boucher, mais il ne touchera pas l’argent, les bœufs s’avérant tuberculeux.

Il est de tradition que chaque année au début de l’automne, Henri réunit toute la famille pour faire les vendanges. Mais pendant que tout le monde travaile dans ses vignes, lui, il part à la chasse ! Pour se donner une idée de sa production, voici ce qu' Henri a déclaré pour sa récolte de 1940 :

Le 6 octobre 1943, il fait installer la lumière électrique dans les chais, le cuvier, l'écurie et les dépendances de Bouqueyran. Un électricien bordelais s'occupe de la pose des 5 lampes et des lignes électriques pour 4 000 francs.

Une parcelle de vigne appartenant à Henri se situe à Bouqueyran, sur le côté de la désormais départementale 1215, à un endroit où celle-ci amorce un virage avant de fuir vers Listrac. De plus, la vigne se trouve un peu plus bas que la route qui la surplombe. A plusieurs reprises, des conducteurs imprudents ou maladroits perdent le contrôle de leurs voitures, manquent ce virage et atterrissent dans la première rège de la parcelle. Ce jour-là, l'un d'eux manque lui aussi son virage, sort de la route, et se plante dans la vigne.en faisant 2 tonneaux. Henri arrive juste après et dit au malheureux chauffeur : "Vous avez plus de chance que moi, je n'ai jamais pu en tirer plus d'une barrique !".

 

La chasse

En bon médocain, Henri est comme tous les hommes de la famille un parfait chasseur. Plus qu'un passe-temps, c'est une véritable passion qui lui est transmise par ses ancêtres depuis des générations. Il chasse bien sûr dans les forêts du coin, notamment dans sa palombière à Léogean.

Mais il possède également une palombière au Cap-Ferret, sur un terrain acheté depuis par le chanteur Pascal OBISPO, non loin des dunes. De cette cabane, Henri et ses acolytes font jouer des appeaux, qui imitent les cris des oiseaux, pour les attirer et les faire se poser près d'eux. Ensuite c'est son fusil à 5 coups qu'il fait jouer...

 

Ball-trap     Palombière
A gauche : Henri GOFFRE et son fameux fusil à 5 coups - A droite : la palombière de Léogean

 

Le problème de l'héritage

Henri GOFFREA la fin de l'année 1944, sa mère Estelle décède : le notaire de Castelnau s'occupe pour Henri de régler les droits de succession. Mais son frère René est également mort, laissant sa veuve Jeanne dite Alice MIOSSIN et son fils Jean Marie dit André GOFFRE, alors âgé de 23 ans. Alice MIOSSIN, femme très belle et sachant bien parler, est surnommée "La Pigeoune", (la pigeonne en patois) car, grande manipulatrice, elle sait "pigeonner" ses interlocuteurs. Née le 23 octobre 1892, d'un père propriétaire au lieu de Labat, à Avensan, Alice a déjà été mariée une première fois avec Arnaud "Edouard" FOURCAN le 4 février 1912. Son union avec René GOFFRE le 27 décembre 1919 à Castelnau est donc un remariage, mais ne sera pas le dernier ! En effet, elle épousera Jean-Sylvestre MONNEREAU le 20 août 1945 à Castelnau également.

Les seuls héritiers encore vivants de Jeantil et Estelle sont donc Henri (leur fils) et André (leur petit-fils). Mais Alice entend bien tirer son épingle du jeu. Le jour-même du décès d' Estelle, la Pigeoune vient à Bouqueyran pour revendiquer des chandeliers qui font partie de l'héritage. Elle veut en plus une part de la propriété de Bouqueyran, au nom de son fils qui pouvait légitimement le revendiquer. Pourtant, André ne soutient pas sa mère. En effet, Henri s'est chargé de vendre la part des meubles de l'héritage qui revenait à André, et a donné la somme ainsi récoltée, 8 080 anciens francs, à son neveu, le 12 février 1945. Cette part semblait très bien lui convenir.

Mais cette insistance déplacée d' Alice pour obtenir des choses qui ne lui revenaient pas font alors entrer Henriette dans une colère noire. Il semble cependant qu'elle puisse vraiment en revendiquer une part : en effet, la propriété de Bouqueyran a été achetée aux enchères, en plusieurs "morceaux", et ce par plusieurs personnes. Sans détail précis, on pourrait supposer que l'acquisition a été faite par le père Jeantil et les deux fils Henri et René. Si René a mis des billes dans l'affaire et qu'il est mort, il est normal que sa femme en récupère une part.

Face à ce refus, la Pigeoune attaque son propre fils André et Henri GOFFRE en justice pour procéder à la liquidation et au partage de tous les biens hérités de GOFFRE - MONNEREAU, et récupérer une part du gâteau. Il faut déterminer la surface de la propriété pour procéder au partage, et puisqu'il n'y a pas possibilité de s'entendre, pour la vendre entièrement ou par parcelles. Le jugement du Tribunal d'Instance de Bordeaux du 11 juin 1945 ordonne de procéder à la liquidation de l'héritage, mais Henri fait appel. Cela ne sert qu'à gagner du temps, car le jugement est confirmé par la Première chambre de la Cour d'Appel de Bordeaux le 26 novembre 1946. On trouve à ce sujet un reçu daté du 2 juillet 1945 émanant de l'étude de l'avocat Maître Maurice CLAVERIE, avoué à la cour d'Appel de Bordeaux, reçu de 1 000 francs de Henri pour "provisions pour appel contre madame veuve René Goffre et monsieur André Goffre". Mais les frais totaux d'avocat pour l'appel s'élèvent à près de 21 000 francs, et la suite de l'affaire est remise à Maître BESSON le 10 janvier 1947.

Deux ventes aux enchères vont suivre. La premère, une adjudication sur réunion, a lieu le 7 juillet 1947 : ce sont simplement des biens qu' Henri a acheté (3ème et 4ème lots). Cela concerne des parcelles de landes et de bois situés au lieu-dit Le Poutchey à Avensan, une parcelle de friche à La Grave, et un bâtiment en ruine (ancien cuvier et chai) à Bouqueyran. Henri remporte ces lots pour le prix de 187 500 anciens francs.

La seconde, une adjudication sur surenchère, est le résultat du jugement du Tribunal et de la Cour d'Appel. Elle a lieu le 9 octobre 1947, et met en vente l'ensemble de l'héritage GOFFRE - MONNEREAU. Je n'ai pas le détail de ces biens-là, nommés sous l'étiquette de 5ème lot (il faudrait trouver l'inventaire après décès réalisé par Me FIGEROU le 8 décembre 1944). La propriété de Bouqueyran devait aussi en faire partie, puisque la Pigeoune en revendiquait une part. En tout cas, le 9 juillet 1948, Henri a remporté aussi ce 5ème lot, pour la bagatelle de 1 405 000 anciens francs ! Mais il ne pouvait pas seul payer l'ensemble de la somme. L'une des personnes qui ont prêté leur concours est le père LAGRUE, propriétaire des Halles LAGRUE à Bordeaux ; cet ami de la famille venait souvent chasser dans le Médoc avec Jeantil et Henri. Pour lui, un ou deux millions ne devaient pas peser bien lourd... Henri est aussi aidé par son fils Robert GOFFRE et son beau-fils Henri PONTET  6 , qui ont alors coupé de très beaux chênes à Leogean et les ont vendus. Leur prix a servi à finir de payer les dettes, et Henri réussit donc à conserver son héritage, mais à quel prix... Au final, les deux parties approuvent l'état liquidatif dans un procès-verbal reçu par Me FIGEROU les 9 et 21 janvier 1950, et par un acte de quittance qui clôt l'affaire le 3 avril de la même année. Rien d'étonnant à ce que, depuis lors dans la famille, on parle de "La Pigeoune" avec une grande colère et beaucoup de rancoeur ! Alice décèdera à Castelnau le 5 janvier 1962.

Pour remonter plus loin...

Pour affiner l'historique du déroulement et des conséquences de cette affaire, plusieurs documents seraient intéressants à trouver. D'abord, tous les actes de vente qui ont permis aux GOFFRE d'acheter l'ensemble de la propriété. Ensuite, l'inventaire après décès de Marie Estelle GOFFRE née MONNEREAU, réalisé par Me FIGEROU le 8 décembre 1944. Enfin, la décision du jugement de la Cour d'Appel de Bordeaux dont je n'ai que l'année : 1947.

Château Moulin à vent
Le château Moulin à Vent, à Bouqueyran (Moulis) - Photo : Christophe Ducos

 

Régisseur à "Moulin-à-vent"

Après avoir démissionné de la Poudrerie de Sainte-Hélène en 1939, Henri entre pendant la Seconde guerre mondiale en qualité de régisseur au château Moulin à vent (à l’entrée de Bouqueyran), construit en 1873. Pourquoi ce nom ? Simplement parce que ce château est situé sur les plus hautes terres de Moulis, ce qui est propice à faire tourner les ailes d'un moulin. Bien sûr en parallèle, il continue de travailler sa propre vigne.

Pour remonter plus loin...

Si des archives existent au château Moulin-à-Vent, il serait intéressant d'y trouver la date d'entrée de Pierre Henri GOFFRE, après la guerre, et des infos plus précises sur les fonctions qu'il y occupait. La date est antérieure à 1945 car j'ai trouvé un bordereau d'expédition d'une barrique et 12 bouteilles en Suisse de cette année-là.

La chasse n'est pas la seule passion d' Henri, qui est aussi doté d’un grand sens musical. On a vu que sur son ordre de mobilisation, il sait jouer du clairon. Plus tard, il réussit à acquérir un harmonium, et en joue admirablement.

Le 25 septembre 1958, Henri fait une demande d'allocation "aux vieux travailleurs salariés" auprès de la Caisse Mutuelle d'Assurances Sociales Agricoles. A l'age de 66 ans, il demande à faire valoir son droit à la retraite. On lui attribue donc une pension de vieillesse "Assurances sociales" à partir du 9 décembre 1959 ; il doit toucher tous les trimestres 205,50 nouveaux francs. Henri doit également percevoir la retraite du combattant, et fait une demande à l'Office des Anciens Combattants à Bordeaux.

Mais il n'aura malheureusement pas beaucoup le temps de profiter de sa retraite. C'est dans sa propriété de Bouqueyran qu'Henri décède d’un A.V.C. (on disait à l'époque simplement une attaque) à 67 ans, le 27 octobre 1960.

 

 

Vers sa femme        Pétronille "Henriette" JUSTE