La numérotation Sosa, la recherche des ancêtres,... Quelques bases pour bien comprendre comment cela fonctionne.
Une présentation de la terre de nos origines, et les grandes ligne de l'histoire de notre famille au fil du temps...
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Jean dit Alcide PONTET 24 est né le 29 octobre 1871 à 3 heures du matin, au village de Villeneuve dans la commune de Sainte-Hélène. Ce prénom rare Alcide provient du grec "alke" qui signifie "confiant dans sa force", issu du nom du général athénien Alkibiadês ou Alcibiade, élève de Socrate vivant entre 450 et 404 avant J.C., qui se distingua pendant la guerre du Péloponnèse face à Sparte. Je n'ai pourtant pas l'explication du choix de son surnom par ses parents ou ses amis. A l'image du fameux général, les Alcide sont censés être volontaires, conquérants, courageux et énergiques, voire sévères. Sans doute étaient-ce des traits de son caractère ?
Alcide va à l'école du village et apprend à lire, à écrire et à compter. Il grandit avec ses 3 sœurs : Jeanne, son aînée qui a 5 ans de plus que lui (née en 1866), Marie née en 1868, et une autre Jeanne, la petite dernière qui en a 4 de moins (née en 1875).
Arrivé en âge de travailler, Alcide commence sa vie comme tuilier (il fabrique des tuiles) à Villeneuve (recensement 1891). Mais il est déjà temps pour lui d'effectuer son service militaire...
Alcide n'est pas allé très loin dans l'armée active. Son registre militaire nous informe qu'à son incorporation en 1891, où son numéro matricule est le 3253, il est affecté aux services auxiliaires par le Conseil de révision en raison de sa taille très modeste. Modeste, on peut parler d'euphémisme ! Car le jeune homme de vingt ans ne mesure que 1,52 m, ce qui ne lui permet pas de faire son service actif comme ses camarades. En effet, l'article 27 de la loi de 1889 fixe à 1,54 m la taille minimale réglementaire des jeunes gens admis dans le service armé.
Il pourrait cependant être employé à des tâches subalternes. Mais le Conseil préfère l'ajourner en 1892, puis une nouvelle fois l'année suivante comme le permet le fameux article 27. Alcide passe finalement dans la réserve de l'armée active le 1er novembre 1895. Il semble donc n'avoir jamais fait son service militaire !
C'est le 1er novembre 1905 qu'il passe dans l'armée territoriale (à 34 ans), et le 1er octobre 1911 dans la réserve de l'armée territoriale (à 40 ans).
Alcide ne reste pas à Sainte-Hélène mais part à Listrac pour y travailler. Il est employé au Château Lestage en tant que cultivateur. Ce formidable domaine s'étend sur 120 hectares, dont 42 de vignobles. Situé sur la croupe nommée le Puy de Menjon (graves pyrénéennes sur socle calcaire) qui s'élève à 43 mètres de hauteur, Lestage se trouve au point culminant du Médoc. Si le vignoble date de la période romaine, le château est beaucoup plus récent : il n'a été construit qu'en 1870, soit un an seulement avant la naissance d' Alcide. Le nom du château provient de la famille qui est fut propriétaire au XVème siècle, la famille LESTAGE. Mais à l'époque où Alcide y entre, le château est tout neuf et le domaine est la propriété de la famille SAINT-GUIRONS depuis 1805.
C'est d'ailleurs à Lestage qu’Alcide rencontre celle qui sera son épouse, Ma BOUSCARRUT 25 . Cette très jeune femme habite à Castelnau, mais elle est également cultivatrice au château listracais. Ils ne tardent pas à se marier le 15 novembre 1894 à la mairie de Castelnau, mais vont emménager à Berniquet (aussi village de Listrac) juste après leur mariage (recensement 1896). Le lieu de Berniquet est situé à 3 kilomètres à l'ouest de Lestage, ce qui n'est pas forcément très pratique pour se rendre tous les matins au travail. Mais ce domicile n'est que provisoire, car le jeune couple cherche à se rapprocher du château : le propriétaire peut en effet y loger un certain nombre de personnes travaillant pour lui. Au recensement suivant de 1901 et jusqu'avant la guerre, on apprend que Alcide et Ma habitent justement à Lestage où lui est employé en tant que vigneron dans le fameux château.
La belle-mère d' Alcide qui jusque-là vivait à Sainte-Hélène, Marie DISSAN 51 , rejoint leur foyer à Lestage entre 1901 et 1906, d'après les listes de recensement de Listrac, où elle voit avec bonheur grandir ses 3 petits-fils.
Mais Alcide est rappelé à l'activité le 1er mars 1915, au 139ème Régiment Territorial d'Infanterie. En effet, la Guerre de 1914 menace de durer, et finalement les Etats-majors français décident de mobiliser tous les hommes en âge de se battre, quelle que soit leur taille. Notre ancêtre a alors 44 ans.
Mais il ne reste que 20 jours dans ce régiment, où il est affecté à la manutention dans les gares de ravitaillement (à Ancerville dans la Meuse pour le 3ème Bataillon). Il charge et décharge les trains de caisses pleines de vivres, effectue des travaux de garde des trains, ou bien de nettoiement. Puis il passe au 138ème Régiment Territorial d'Infanterie le 21 mars 1915. Je n'ai malheureusement pas le détail des opérations qu'il a dû livrer dans ce régiment avec ses frères d'armes.
J'ai trouvé le Journal des Marches et Opérations (JMO) pour le 139ème (page 61), mais seulement pour le 3ème Bataillon. En a-t-il fait partie ou non, je l'ignore...
Dans la liste des JMO, il n'y a pas le 138ème Territorial, ça passe du 137ème à 139ème. Etrange...
Ici le lien pour le 144ème RI (p. 19). Mais n'est-ce pas le 144 Régiment Territorial dans lequel il est affecté ? Ce n'est pas marqué sur son registre militaire... En tout cas, il n'y a pas non plus de 144ème Territorial dans la liste des JMO.
Pendant la guerre, les hommes étant partis sur le front, une pénurie de main d'oeuvre agricole se fait cruellement sentir dans les champs. Les femmes sont alors appelées pour ces travaux agricoles, où elles ne ménagent pas leur peine. Mais il s'avère que cet effectif n'est pas suffisant et en 1917, le ministre de la guerre, le Maréchal Hubert LYAUTEY, décide de mettre des soldats dans le service de main d'oeuvre agricole. Ces soldats, ainsi "détachés", ne sont plus mobilisés comme militaires au front, mais comme ouvriers agricoles dans les champs.
C'est dans ce cadre qu' Alcide devient détaché agricole catégorie B. L'Armée a sans doute jugé qu'il était finalement plus utile à travailler la vigne qu'à tenir un fusil ! La catégorie B concerne les ouvriers agricoles que l'on affecte à une exploitation ; la catégorie A désigne les propriétaires exploitants qui sont renvoyés dans leur propre domaine. Alcide, alors simple ouvrier, se retrouve ainsi affecté au Château Lestage à Listrac à partir du 10 juin 1917. Il est donc de nouveau employé dans le domaine ou il travaillait avant la guerre, mais cette fois-ci dans le cadre militaire ; cela ne change finalement rien à la teneur de son travail !
Le 9 juillet 1917, il passe au 144ème Régiment Territorial d'Infanterie, mais pour peu de temps. Sa date de libération militaire est le 1er octobre 1917, et pourtant en raison de la Grande Guerre, il doit passer un an de plus sous les drapeaux : il n'est définitivement libéré des obligations militaires que le 19 décembre 1918.
Après la guerre, Alcide continue bien sûr de travailler au Château Lestage, où ses talents d'ouvrier agricole peuvent s'exprimer totalement. Gravissant les échelons de la hiérarchie, Alcide décroche entre 1911 et 1919 le poste de régisseur du Château. La première année correspond à la plus récente du recensement de Listrac où il est dit cultivateur, et la seconde est celle du mariage de son fils René, où il est dit régisseur. Je ne sais pas s'il a obtenu le poste en tant que détaché agricole pendant la guerre, mais cela est plausible : les hommes valides et capables étant dans les tranchées, il fallait néanmoins diriger la propriété et occuper ce poste devenu vacant. En tout cas, Alcide va bientôt montrer que ses talents de gestionnaire n'ont rien à envier à ses talents de cultivateur !
Car le rôle de régisseur est pour le moins exigeant. Il a la responsabilité de la production et de la qualité du vin. Pour cela, Alcide organise les travaux de la vigne, coordonne les équipes, planifie les vendanges, supervise la vinification, tout en s'assurant de la qualité de la transformation du raisin en vin. Il doit en outre gérer les stocks, assurer les expéditions, surveiller la gestion financière et administrative, et tout ceci en respectant les normes et réglementations en vigueur dans le domaine de la production de vin. Comme ce n'est pas suffisant, le régisseur doit aussi assurer la promotion des produits du château en développant ce qu'on n'appelle pas encore le "marketing" ! La fonction de régisseur doit en effet se doubler de celle d'homme d'affaires efficace... Le nouveau poste d' Alcide est un immense défi qu'il va tenter de relever avec le courage et la ténacité qu'on lui connaît. Mais pour cela, le "petit" homme sera-t-il à la hauteur ?
Existe-t-il des archives au château Lestage, qui puissent nous renseigner sur la carrière d'Alcide ? Il serait intéressant d'avoir plus de précisions.
Le 22 juillet 1928, la Société d'Agriculture de la Gironde décerne des prix aux agriculteurs les plus méritants à Castelnau. A cette occasion, elle remet un diplôme de médaille d'argent à Maurice REGNIER, nouveau propriétaire du Château Lestage. Mais les "bras droits" régissant les propriétés agricoles ainsi mises à l'honneur ne sont pas oubliés, et Alcide reçoit lui aussi une médaille d'argent pour son remarquable travail d'homme d'affaires au château. Son épouse Ma est également récompensée : elle se voit décerner un diplôme de médaille d'argent et la somme de 50 francs pour ses 38 ans de service à Lestage !
Encouragé par la réussite dans son travail, Alcide va alors développer une ambition très importante. En plus de son travail à Lestage, le régisseur veut acheter des parcelles de vigne pour faire son propre vin. Travailler pour les autres, c'est bien, mais travailler pour soi, c'est mieux ! Ainsi, le 27 septembre 1924, il achète 2 parcelles à Listrac, au lieu de Capdehaut. Ces parcelles sont les 2ème et 3ème lots des immeubles dépendant d'une succession RAYMOND, vendue par licitation, c'est-à-dire par vente aux enchères : le bien en nature qui ne peut pas être divisé entre les héritiers est vendu, et le revenu de cette vente est réparti entre les héritiers. Alcide paie donc la somme de 310 francs pour cette première acquisition. C'est le début d'une nouvelle aventure !
Le deuxième achat d' Alcide nous concerne encore plus directement, car les vendeurs sont Charles DUCOS 8 et Louise ROSSIGNOL 9 , nos ancêtres de la branche DUCOS ! Pourtant, ni Charles, ni Alcide ne saura jamais que 36 ans plus tard, par un beau jour de 1961, le mariage du petit-fils de l'un avec l'arrière-petite-fille de l'autre les unirait dans une seule et même famille ! Car pour l'instant, nous sommes le 15 mars 1925, et Alcide achète aux époux DUCOS (de parfaits étrangers !) 8 petites parcelles de vigne perdue à Cantegric, d'une contenance totale de 45 ares et 47 règes en tout, ainsi qu'une parcelle de 8 règes au lieu-dit Bredera (près de Lestage) à Listrac. Le montant de cet achat est de 1 000 francs.
Le 13 février 1927, c'est à Michel Henri CHATELLIN qu' Alcide achète une parcelle d'acacias d'une superficie de 14 ares au lieu de Pingard à Listrac, pour un prix de 500 francs. La même année le 8 avril, Jean Elie RICHEBON lui vend une pièce de terre en friche de 10 ares 30 centiares, au lieu de Codres à Listrac également, près du chemin de Peyrelebade. Prix : 350 francs. Ce même RICHEBON cède aussi à Alcide 4 autres parcelles, le 20 avril 1927 :
L'ensemble de ces biens est estimé au prix de 649 francs. Si certaines parcelles seront vendues par la suite, celles situées à Codres resteront dans la famille plus longtemps. Nous allons bientôt voir pourquoi...
La flèvre acheteuse de notre ancêtre ne s'arrête pas là. Alcide est maintenant devenu un véritable homme d'affaires aguerri aux négociations les plus délicates. Il sait parfaitement ce qu'il veut et il sait exactement combien il doit le payer. Le 14 septembre 1928, il achète à Marguerite Julia COUNAUD, veuve de Jean Auguste LAGUNE, demeurant à l'ancien bourg de Cussac, un corps d'immeubles justement situé à Codres, derrière l'église de Listrac. Le nom du lieu de Codres est celui des cercles en châtaigner qui servent à maintenir les barriques ; en clair, ce lieu était autrefois celui où officiaient les tonneliers de Listrac.
Ce corps d'immeubles comprend 2 maisons contiguës et un hangar, avec un jardin d'une superficie de 203 m² côté sud, et une cour de 481 m² côté nord. Au nord de la propriété se trouve le chemin de Codres, et à l'est la maison de BIBAN. La vente se fait au prix de 3 000 francs.
Le but de cet achat est simple à deviner. Alcide est logé au château Lestage car il y travaille, mais l'âge de la retraite approche. Quand il l'atteindra à 60 ans en 1931, lui et son épouse Ma devront habiter ailleurs pour passer leurs vieux jours. Leur lieu de villégiature sera donc la propriété de Codres à Listrac, mais il n'est pas question d'une retraite oisive. Fort de toute une vie d'expériences dans le domaine de la viticulture et de l'organisation des métiers de la vigne, Alcide a pour ambition de produire lui-même son vin. Pour cela, il va bien sûr exploiter les vignes qu'il a déjà achetées, et aussi celles à venir !
Car même jeune retraité, Alcide continue d'agrandir ses possessions. Le 10 janvier 1932, Emma RAYMOND, veuve de Jean BERNINET de Listrac, vend 24 lots aux enchères par l'intermédiaire de son notaire. Lors de la vente, on allume successivement des bougies dont le feu dure environ une minute. Le prétendant dont l'enchère n'est pas couverte par une autre pendant le feu en cours et pendant 2 autres feux consécutifs allumés et éteints après le premier, verra l'adjudication prononcée en sa faveur (à l'extinction des feux). Le 21ème lot est ainsi adjugé à Alcide moyennant le prix de 375 francs : il s'agit d'une pièce de terre de 20 ares au lieu du Pouch à Listrac. Lors de cette vente, les autres lots n'ont pas trouvé preneur !
Le 14 mai de la même année, c'est à Jean Marie Georges DUBOSC qu' Alcide achète pour 1 000 francs une pièce de terre en friche, de 28 ares et 24 centiares, au lieu de Pesquetey (ou Codres) à Listrac. Puis le 1er juin, c'est de nouveau Marguerite Julia COUNAUD qui lui vend un autre corps de bâtiments en ruine à Codres, qui comprend une remise, une écurie, un hangar, un cuvier, un chai avec une cour, situé un peu en amont sur le chemin de Codres qui mène vers la propriété. Cet achat au prix de 1 200 francs va permettre à Alcide de fabriquer son vin. Il possède ainsi environ 1 hectare 40 ares de vignes, soit 14 000 m², ainsi que les lieux et matériels nécessaires à la vinification et à la commercialisation du "Crû de Côdres" !
Produire en son nom propre est une puissante fierté pour Alcide, mais malheureusement cette période ne dure que 5 ans à peine. Alcide arrive à l’âge de 64 ans quand il décède chez lui à Codres, le 27 février 1936. Malgré son petit mètre cinquante deux, c'était quand même un grand Monsieur...
Vers sa femme Marie "Ma" BOUSCARRUT