Généalogie de la famille DUCOS - PONTET

La famille du côté d' Yvette GOFFRE

Son grand-père maternel : Pierre "Emile" JUSTE

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(raconté par Yvette Goffre)

 

Les années de jeunesse

 

 

Pierre "Emile" JUSTEPierre dit Emile JUSTE  30  est né le 28 avril 1872 (sous Adolphe Tiers) à Avensan. Enfant, il vit à Barreau (Avensan) où son père est vigneron et propriétaire. Il a les cheveux châtains et les yeux marrons. Arrivé à l'âge de travailler, il devient comme son père vigneron, mais aussi tonnelier, et exerce en tant que tel au château Citran.

A l'origine, le château Citran était un manoir féodal, situé à Avensan. Au XIIIème siècle, c'était le siège de la seigneurie du marquis de Donissan. En 1832, la famille CLAUZEL (dont René, un descendant, fut maire d'Avensan dans les années 1920) rachète le domaine et fait construire le château que nous connaissons aujourd'hui.

 

Sa signature : Signature Pierre Juste

 

Château Citran
Le château Citran, à Avensan

L'armée

Emile étant né en 1872, sa classe de mobilisation est donc 1892. Il passe cette année-là devant le Conseil de Révision avec le numéro matricule 3646. Son frère Louis, qui a 2 ans de plus que lui, est déjà en train de faire son service, dont la durée est à cette époque de 3 ans. Suivant l'article 21 de la Loi sur le recrutement de l'armée voté le 15 juillet 1889, il est donc dispensé de faire la totalité de son service armé puisqu'il a un frère aîné qui est déjà sous les drapeaux.

Le 11 novembre 1893, Emile est dirigé vers le 6ème Régiment d'Infanterie, situé à Saintes en Charente-Maritime, et y arrive le même jour avec le numéro matricule 3873. Son degré d'instruction générale est de 3 : cela signifie qu'il sait lire, écrire et compter. Il mesure alors 1,59 m, et a le front découvert, comme le précise sa fiche matricule.

Emile JUSTE
Emile JUSTE à 20 ans, soldat du 6ème RI

Il devient soldat de 1ère classe le 9 juillet 1894, et se voit accorder un certificat de bonne conduite. Il passe ensuite dans la disponibilité de l'armée active le 25 septembre 1894 en attendant son passage dans la réserve de l'armée active qui a lieu le 1er novembre 1896. Il accomplit alors une premère période d'exercices du 24 août au 20 septembre 1899, puis une seconde du 24 février au 23 mars 1902, dans le 144ème Régiment d'Infanterie, situé alors à Blaye.

A 34 ans, Emile passe ensuite dans l'armée territoriale à compter du 1er octobre 1906. Il fait une période d'exercices dans le 140ème Régiment Territorial d'Infanterie, du 25 octobre au 2 novembre 1908, qui lui sera sans doute très bénéfique pour les années qui suivront. Il entrera à 40 ans dans la réserve de l'armée territoriale le 1er octobre 1912.

La famille

Emile rencontre une jeune fille comme lui native d' Avensan, qui se nomme Jeanne pour l'Etat civil mais en famille Alice ABRIBAT  31 . Cette jeune Avensannaise qui vit au lieu de Mallet a une soeur aînée, Jeanne dite Marie ABRIBAT. Comme Emile a lui aussi un frère, Christophe dit Louis JUSTE, les 4 jeunes gens se retrouvent souvent pour partager de bons moments ensemble, et s'apprécient beaucoup.

Ils s'apprécient tellement qu'en cette belle journée du 21 septembre 1897, à Avensan, les 2 frères épousent les 2 sœurs ! A 25 ans, Emile se marie avec Alice ABRIBAT  31 , en même temps que Louis épouse Marie ! Le mariage d' Emile et de Alice a été précédé d’un contrat de mariage en date du 15 septembre 1897, retenu par Me MAIGRET, notaire à Castelnau. Les parents de Louis et d' Emile JUSTE leur donne 12 draps de lit estimés 60 francs, à chacun, à titre d'avancement d'hoirie. De leur côté, les parents de Marie et Alice ABRIBAT, sans doute d'un niveau de vie plus élevé, remettent à chacune de leurs filles un lit garni avec ses couches et garnitures (150 francs), une armoire (50 francs), une table (25 francs), 6 chaises (12 francs), une table de nuit (15 francs) et 12 draps (60 francs), soit un total de 312 francs.

 

 

Le couple qui nous intéresse s'installe à Barreau. De ce mariage naîtra 2 enfants :


La vie de la famille, dirigée d’une main de fer par Emile, est très difficile : en effet, celui-ci est très avare et ne laisse pas d’argent ni à sa femme, ni à ses enfants. L'achat de nourriture ne semble pas être la priorité du chef de famille ; Alice et les enfants connaissent alors la faim.

Emile veut maintenant acquérir des vignes et des terres pour se constituer un patrimoine foncier. Le 4 avril 1909, il achète à Jean "Louis" BOSQ, propriétaire à Donissan (Listrac), 2 pièces de terre situées au lieu de Moucheguet à Listrac, l'une de 28 ares et l'autre de 9 ares, pour le prix de 300 francs. Puis le 22 janvier 1912, il échange une pièce de vigne à Barrau contre une autre de même contenance (200 mètres carrés) avec Simon FAURE, sans doute pour regrouper ses parcelles. Emile fait un autre échange avec cette fois Bernard FAURE le 31 janvier de la même année : il acquiert une pièce de terre comprenant 6 règes et un cabot à Barreau, et abandonne une autre pièce de terre à Barreau également, les 2 pièces ayant la même superficie de 400 mètres carrés chacune. Ensuite le 29 mars 1913, il achète pour 1 600 francs une pièce de terre et de vigne à Garbajac (Moulis), d'une contenance approximative de 1 hectare, 16 ares et 50 centiares, au propriétaire listracais Jean "Edmond" CAZEAUX. Mais le contexte international va stopper net la poursuite de ces acquisitions... pour un temps.

 

La Grande Guerre

Au début de la guerre de 1914, Emile a 42 ans. Trop âgé pour partir au front, il est tout de même mobilisé le 25 novembre 1914, dans le 140ème Régiment d'Infanterie Territoriale, qui recrute à Bordeaux (18ème région) les Girondins de 34 à 47 ans. Ce régiment est principalement destiné à entretenir et surveiller les routes, les ponts, les voies ferrées, et garder les prisonniers.

 

Emile JUSTE à la guerre
Emile JUSTE à la guerre de 1914 (3ème en haut à gauche)

Le 140ème R.I.T. quitte Bordeaux le 16 août 1914 et se rend à Ingré, près d' Orléans dans le Loiret, pour assurer la garde de la ligne de chemin de fer Orléans-Malesherbes. Le 10 septembre, il part à 100 kilomètres au nord-est, à Melun en Seine-et-Marne pour garder les voies ferrées du nord-est de la ville. Comme tous ses camarades de régiment, Emile " travaille jour et nuit à rétablir les voies et à assurer la sécurité complète de l'organe vital qu'est pour l'armée en campagne le réseau ferré " (Source : Le 140e Régiment d'Infanterie Territorial pendant la Grande Guerre).

Puis le 28 septembre, le Régiment se rend à la Ferté-sous-Jouarre, à 60 kilomètres à l'est de Paris, pour purger la région des pillards, des maraudeurs, des espions, bref afin d'effectuer un travail de police et de sécurité.

 

de Ingré à Troesnes
Le parcours du 140ème RIT depuis Ingré jusqu'à Troësnes

Le 1er octobre, le 140ème remonte à 30 kilomètres vers le nord et occupe la ligne Troësnes, Neuilly-Saint-Front, Latilly sur 20 kilomètres, et "avance sans souci des fatigues et des difficultés". Mais l'armée anglaise transporte son champ d'opérations dans le nord, et le Régiment doit épurer l'arrière et empêcher les réfugiés de franchir le canal de Saint-Omer à Calais pour pénétrer les lignes anglaises. Il débarque donc à Watten le 20 octobre et se dévoue une fois de plus à sa tâche ingrate. Puis il creuse des tranchées à l'ouest de la ligne Wardrecques-Aires en novembre.

 

de Calais à Arras
De Calais jusqu'à Longueau (pour le 1er bataillon) et Arras (pour le 2ème)

 

Tous les jours, les hommes du 140ème exécutent leur difficile tâche d'entretien des routes, de surveillance des voies ferrées, des ponts et de garde des prisonniers dans le Nord-Pas-de-Calais jusqu'en juin 1915. Là, le régiment prend position en arrière de Carency et Souchez, au sud-ouest de Lens, pour assainir les champs de bataille et creuser les tranchées.

Pendant tout l'été et une partie de l'automne 1915, le 1er bataillon assure la garde des trains partant de Longueau, près d' Amiens, vers le front, pendant que le 2ème bataillon occupe Arras quotidiennement bombardé. C'est à ce moment-là qu' Emile est nommé Caporal le 8 septembre 1915. En creusant les tranchées dans la ville, le bataillon subit de nombreuses pertes, et doit finalement être évacué vers Deauville le 8 octobre.

A partir du 18 février 1916, les 2 bataillons vont être séparés pour toute la durée de la guerre. Je ne sais pas dans lequel des deux bataillons s'est trouvé Emile, mais quel qu'il soit, il n'a pas dû rigoler tous les jours.

 

d'Amiens à Novion
De Amiens jusqu'à Novion-Porcien : 1er bataillon en rouge, 2nd bataillon en bleu.

Le 1er bataillon est envoyé à Amiens dans la Somme. Une partie est détachée à l'armée britannique, puis au service routier de la VIème armée ; l'autre est affectée à l'entretien de la forêt de Villers-Cotterêts, puis à des travaux de terrassement et de garde de prisonniers dans la Haute-Marne. Partout, ce bataillon "reçoit les témoignages de satisfaction, les félicitations de ses chefs".

Le 2ème bataillon est lui aussi rattaché à la VIème armée française le 15 avril 1916, mais pour assurer un service routier dans la Somme. Les Territoriaux entretiennent les chemins et ravitaillent les troupes de l'avant. Ce difficile travail s'effectue sans faiblesse malgré les bombardements, la boue et le froid, jusqu'au 13 mai 1917. Puis ils sont détachés au service routier à Montreux-Vieux, en Alsace, jusqu'au 1er avril 1918. Enfin, ils sont rattachés à la Ière armée, à Crèvecoeur à Belfort, pour assurer l'évacuation des matières premières d' Amiens et la garde de l'aviation. Le 21 juillet 1918, le bataillon débarque à la Ferté-sous-Jouarre et prend part à la poursuite. Le 11 novembre, jour de la victoire, il se trouve à Novion-Porcien, "prêt à continuer sans souci des fatigues son effort quotidien".

Pour les 2 bataillons, la démobilisation s'effectue du 24 décembre 1918 au 4 janvier 1919. Par ce pénible labeur, les soldats de ce régiment, appelés par dérision les "Pépères" car plus âgés que les soldats de première ligne, ont pourtant joué un rôle d'une importance capitale. Ils ont permis aux soldats plus jeunes de se ravitailler, ont creusé les tranchées pour qu'ils s'y abritent, ont assuré l'approvisionnement en munitions, la maintenance des infrastructures et la sécurité de l'arrière.

Malgré son âge, Emile fait la guerre jusqu'au bout puisqu'il n'est envoyé en congé illimité de démobilisation que le 30 décembre 1918, 1er échelon D.D. 144ème Régiment d'Infanterie. Il a alors 46 ans. Il sera enfin libéré du service militaire à la date officielle du 1er octobre 1919.

 

Emile JUSTE en militaire
Emile JUSTE - 1918

 

Son fils, Henri JUSTE, fut blessé le 9 août 1918 pendant la bataille de Montdidier, dans la Somme. Transporté dans un hôpital de la banlieue parisienne, il écrit une lettre à ses parents. Vous trouverez ci-dessous la lettre et sa transcription littérale :

 

Lettre d'Henri JUSTE
Le 11-8-18. Chers parents

 

Au moment où je vous écrit, je suis à l’hôpital dans la banlieue de Paris. Je ne crois pas y rester longtemps. Je vais probablement être évacué à l’intérieur.
Quand a ma blessure, elle n’est pas grave du tout. Une balle de fusil qui m’a traversé la cuisse, elle n’a passé que dans la viande sans toucher à l’os. J’espère aller vous voir sous peu.
C’est dans la dernière attaque que j’ai été blessé à 6h ½ du soir.
Je m’arrête donc pour aujourd’hui.
Mille baisers de votre fils qui vous aime.
Henri
Ne m’écrivez plus avant que je vous donne l’adresse.
 
 
 
 
 

Lettre d' Henri JUSTE à ses parents - 11 août 1918

 

Retour à la vie civile

Après la guerre, Emile peut enfin rentrer à la maison. En son absence, sa femme Alice et sa fille Henriette n'ont pas ménagé leur peine : elles ont travaillé la vigne à sa place, et fait le vin dans les règles de l'art. Emile prend alors possession de toute la production, et la vend. Mais l'argent ainsi récolté n'ira toujours pas à sa famille !

Car il reprend sa politique d'achat de biens fonciers qu'il a entrepris avant la guerre. Le 12 juin 1920, il achète à Bernard "Léopold" PLADEPOUZEAU, 5 règes de vigne à Primat (405 pieds) et 5 autres règes de vigne à Bernot (700 pieds, soit environ 7 ares), les deux pièces étant situées sur la commune d' Avensan. Le prix de cette vente est de 276,25 francs.

Il part un temps en Suisse travailler le vin dans un chai, chez un négociant dont j'ignore le nom. Qu'importe, cet éloignement permet à Alice et à ses enfants de respirer un peu ! Par ce travail, il arrive à mettre beaucoup d'argent de côté.

Puis, quelques années après, Emile revient à Avensan, et reprend son travail de tonnellerie. Il forme d'ailleurs René GOFFRE, le frère de son gendre, à ce métier. Mais il faut à Emile encore plus d'argent. Il commence alors à couper les pins de sa mère, Marie HOSTEIN 61 , pour les vendre, et bien sûr sans lui en parler d'abord ! Un ami assistant à la scène vient cependant prévenir Marie des agissements de son fils. Quand celle-ci apprend ce qu' Emile est en train de faire dans son dos, elle est évidemment très fâchée qu'il s'en prenne ainsi à son patrimoine, et fait cesser immédiatement ce vol inqualifiable !

Pierre "Emile" JUSTEUne des raisons de ce besoin d'argent est qu'il s'est trouvé une passion : il place son capital dans des opérations boursières. On est prié de ne pas plaisanter avec ça... Quand la T.S.F. diffuse des flashes sur la bourse, il faut impérativement faire un silence absolu pour qu'il ne perde pas une miette des précieuses informations chiffrées. Son sens des affaires lui a certainement permis de gagner beaucoup, mais personne ne sait ce qu'il fit de son "trésor", car sa famille n'en a jamais profité... Il se peut même aussi qu'il ait tout perdu ! A moins qu'il n'ait tout placé dans ses futures acquisitions...

Vous vous doutez bien qu'une autre passion d' Emile, c'est la chasse ! Il fait partie du groupe mobile et intercommunal de chasseurs au sanglier, dirigé par René GOFFRE. Ce groupe de chasseurs, précise l'article de "La Petite Gironde" du 28 mars 1922 que je reproduis ci-contre, a même un nom : il s'appelle "Les Hardis". Dans la journée du 18 mars 1922, les Hardis abattent une laie de 75 kilogrammes et 5 petits marcassins à Avensan... Aujourd'hui, on crierait au scandale, mais à l'époque, comme chez Astérix, cette aventure s'est terminée par un copieux banquet servi par Emile lui-même. En un mot, pour lui, c'est les copains d'abord !

Pour compléter le portrait de ce personnage qu'on peut clairement qualifier d'odieux, rapportons ici qu'Emile aime beaucoup se promener du côté de l'usine CLERC d'Avensan, où les jeunes ouvrières sont légions. A coups de sourires et de plaisanteries plus ou moins grivoises, il arrive à leur faire soulever leurs jupes suivant un jeu des plus malsains : plus elles lèvent haut le tissu et plus elles reçoivent d'argent...

 

Le 2 mai 1925, la mère d' Emile, Marie HOSTEIN 61 , alors veuve, fait une donation-partage entre ses 2 fils pour que la succession des biens de la famille se passe dans les meilleures conditions. Le partage se fait en toute équité, mais c'est Emile qui doit hériter de la maison de Barreau, et à ce titre il doit héberger sa mère qui garde l'usufruit d'une chambre de la maison, et qu'il doit entretenir, nourir et soigner jusqu'à son décès.

Du côté ABRIBAT, une donation-partage est aussi établi devant notaire entre Catherine DEJEAN  63 , veuve de Pierre ABRIBAT  62 , et ses 2 filles Marie et Alice. Les enfants s'entendent sur le fait de partager de manière juste les biens de la famille, et sur le fait que c'est Marie, femme de Louis JUSTE, qui héritera de la maison de Mallet. Elle doit donc exécuter les mêmes obligations envers sa propre mère qui garde l'usufruit d'une chambre de la maison jusqu'à sa mort.

Après ces donations des deux côtés de la famille, un autre acte établi le même jour fixe les termes des échanges entre les frères Emile et Louis JUSTE pour séparer totalement les biens de chacun de leur foyer, hérités du côté JUSTE et du côté ABRIBAT. Concernant Emile JUSTE  30 et Alice ABRIBAT  31 , ils se rendent donc propriétaires à l'issue de tous ces différents actes d'une impressionnante liste :

Son frère Louis JUSTE et sa femme Marie reçoivent en propriété la maison de Mallet, ainsi que 46 autres pièces de vigne, terre ou lande que je ne traiterai pas en détail ici.

Puis le 22 juin 1926, Emile achète une maison au lieu de Chauvin, à Avensan, dans une vente aux enchère. Cette maison était le 5ème lot qui dépendait d'une indivision LAGUNEGRAND-BOS, et Emile s'en est rendu adjudicataire pour la somme de 2 000 francs. Le bien est situé sur une pièce de pins d'une superficie de 3 000 mètres carrés. La procédure en pareil cas dure plusieurs mois, et il n'en reçoit le titre de propriété que le 2 septembre 1927.

Pourquoi s'arrêter en si bon chemin ? Le 22 septembre 1929 a lieu une autre adjudication d'un couple bordelais, Henri Jules Pierre PEYRARD et sa femme Jeanne Louise Hortense LE GUY. Le lot n°10 consiste en une pièce de pacage situé au lieu du Graveyron, voisin de Mauvesin à Moulis, contenant 1 hectare 34 ares 85 centiares. Cette pièce est aussi voisine à l'ouest d'une pièce appartenant déjà à Emile. Le seul "hic" est que cette pièce est louée jusqu'au 1er mars 1930, et que le fermage de l'immeuble est payé jusqu'à cette date : Emile doit donc attendre l'expiration de la location avant d'entrer en jouissance du bien. Le prix de cette vente est fixée à 2 850 francs. Mais l'origine antérieur de propriété nous apprend qu'encore avant, la pièce appartenait à Saturnin LAMORERE dont les parents, Pierre LAMORERE et Pétronille GACHET, habitaient dans le domaine de l' Oustaou-Néou à Moulis ! Ce sont bien sûr les descendants de notre ancêtre Pierre LAMORERE  596 , et du premier propriétaire de cette maison, Maître Louÿs BERNADA  1194 ... Voir à ce propos la page Les origines des BERNADA.

Enfin, le 28 décembre 1932, Emile achète 4 pièces aux héritiers COUSIN (oui, des descendants des COUSINS qui étaient déjà les voisins de Christophe et Germain JUSTE !) :

Cette vente se fait au prix de 3 700 francs.

Malgré cette richesse terrienne, il y a de l'eau dans le gaz entre Emile JUSTE  30 et Alice ABRIBAT  31. Est-ce ce tempérament difficile ou sa radinerie qui fait que Alice ne peut plus supporter son mari ? Certainement un peu des deux... En tout cas, la vie commune n'est plus possible, et bien qu'ils ne divorceront pas, Emile est prié d'aller promener son fichu caractère ailleurs. Du coup, il se prend une autre maison à Barreau (avec quel argent ?) où il vivra seul, séparé du reste de sa famille...

 

Alice Abribat et Emile JUSTE
Alice ABRIBAT et Emile JUSTE - vers 1963

 

En novembre 1938, pour profiter comme tout le monde des bienfaits de la fée Electricité qui étend son réseau dans le Médoc, Emile fait installer un compteur pour les 3 lampes éclairant l'intérieur de sa maison de Barreau. Le branchement et le raccordement au réseau électrique lui coûte 235,20 francs (payé en 6 mensualités), plus le coût de la police d'abonnement qui est de 10,80 francs. Sa consommation mensuelle d'électricité est d'une trentaine de francs !

Pour finir de décrire le bouillonnant personnage, je voudrais évoquer une lettre écrite le 17 février 1949 et envoyée à Joseph SANCEY d' Avensan. Plutôt que de la paraphraser, je préfère retranscrire le texte exact :

Monsieur,

J'ai l'honneur de vous faire connaître que j'ai la quasi certitude que vous êtes en train de faire construire un bâtiment qui empiète sur une place commune entre nous.
Je vous demanderai de bien vouloir vous assurer avant de continuer les travaux, que ceux-ci sont bien effectués dans votre propriété personnelle.
Au cas où ils le seraient sur la place commune sus-indiquée, je vous prie de noter que j'y mets opposition, et réserve tous mes droits pour l'avenir, le cas échéant.
Veuillez agréer, Monsieur, mes salutations distinguées.

Emile Juste

Comment s'est terminée cette histoire ? Mystère... En tout cas, je pense que le message est bien passé !


Au soir de sa vie, Emile n'est plus physiquement autonome : il vient vivre chez sa petite-fille Yvette GOFFRE  7 à Listrac, où l'on prend bien soin de lui. Mais, un soir où il ne veut plus voir Yvette, sa maison de Barreau lui manque et il veut y retourner. Le 22 avril 1968, Emile entreprend alors de faire le trajet Listrac-Barreau à pieds et sous la pluie, ce qui représente une distance de 4,5 kilomètres. Cet effort intense, à presque 96 ans, lui fait attraper une pneumonie : il meurt une fois parvenu à Avensan.

 

Vers sa femme        Jeanne "Alice" ABRIBAT